Lorsque vous faites le choix de divorcer de manière contentieuse (vous n’êtes pas d’accord avec votre époux pour le divorce), le juge aux affaires familiales va rendre tout d’abord une ordonnance de non conciliation qui va fixer des mesures provisoires et notamment attribuer à l’un des époux le domicile conjugal, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux.
La jouissance est considérée comme étant à titre onéreux dès lors que les termes de l’ordonnance de non conciliation ne permettent pas de retenir qu’elle a été attribuée à titre gratuit (Civ 1ère, 19 avril 2005, bull. civ I, n°338).
Lorsque la jouissance du domicile conjugal est attribuée par le juge aux affaires familiales à titre onéreux, il faut comprendre ce que cela signifie :
- cela signifie tout d’abord que la jouissance ne commencera à être onéreuse que lorsque la jouissance sera effective et privative
C’est à dire que tant que l’autre époux est dans le domicile conjugal, la jouissance demeure gratuite.
- Cela signifie également qu’avant le rendu de l’ordonnance de non conciliation, la jouissance demeurera gratuite, et ce même si vous vous êtes mis d’accord postérieurement avec votre époux pour faire remonter les effets du divorce dans les rapports entre vous en ce qui concerne vos biens à une date antérieure au rendu de l’ordonnance de non conciliation et qui correspondrait à la date où vous avez cessé de cohabiter et de collaborer (Civ 1ère, 23 octobre 2013, n°12-21-556). –
C’est à dire que la jouissance du domicile conjugal conserve un caractère gratuit jusqu’à l’ordonnance de non conciliation. Pourquoi ? Parce que lorsque le jugement de divorce sera prononcé, il prendra effet rétroactivement à la date de l’ordonnance de non conciliation (sauf exception où l’on fait remonter la date du prononcé du divorce antérieurement à l’ordonnance de non conciliation si vous avez cessé de collaborer et de cohabiter).
La jouissance sera onéreuse à partir de l’ordonnance de non conciliation et si et seulement si elle est privative, c’est à dire que l’autre époux a remis ses clés et qu’il n’a plus accès au domicile conjugal.
Il en résulte que l’octroi du caractère onéreux à une jouissance antérieure à la date de l’ordonnance de non conciliation devra nécessiter une mention expresse dans la décision du juge, à défaut l’occupation divise du logement conjugal par un époux est gratuite jusqu’à l’ordonnance de non conciliation.
Pourquoi une jouissance onéreuse ? Parce que les deux époux ont un droit égal de jouir du bien commun (servant de domicile conjugal) et que si l’un des époux est privé de l’exercice de ce droit, l’absence de jouissance est compensée par une indemnité d’occupation (article 815-9 alinéa 2 du Code civil).
- Cela signifie également que si vous décidez de ne plus résider dans le domicile conjugal qui vous a été attribué à titre onéreux, vous êtes encore tenu du caractère onéreux.
C’est à dire que l’indemnité d’occupation est due même en l’absence d’occupation effective des lieux (Civ 1ère, 22 avril 1997).
Seule exception : prouver que le bien immobilier a été remis à la disposition de l’indivision et que vous n’avez plus la jouissance privative.
- Cela signifie aussi que vous n’allez pas régler concrètement chaque mois à votre conjoint une somme mensuelle pour le caractère onéreux de la jouissance du domicile conjugal.
La somme ne sera réglée que postérieurement au moment de la liquidation et du partage de votre régime matrimonial. Plus précisément le droit de réclamer le versement de l’indemnité d’occupation est subordonné à la condition que le jugement de divorce soit passée en force de chose jugée (Civ 1ère, 15 mai 2008, n°06-20.822).
L’indemnité d’occupation sera donc imposable au titre de l’année en cours de laquelle le jugement de divorce sera passé en force de chose jugée (c’est à dire que fiscalement on considère que le revenu est acquis et donc imposable à partir du moment où son créancier peut en demander le paiement).
A savoir que le débiteur de l’indemnité d’occupation ne bénéficie d’aucun avantage fiscal particulier.
- Le montant de l’indemnité de la jouissance onéreuse du domicile conjugal :
En pratique, le plus souvent, il faut prendre en compte la valeur locative du bien (Civ 1ère, 27 octobre 1992, n°91-10773), montant qu’il faudra multiplier en fonction du nombre de mois où il y a eu jouissance privative depuis l’ordonnance de non conciliation.
Mais attention les juges ne sont pas tenus de se fonder sur la seule valeur locative du bien (Civ 1ère, 13 décembre 1994, n°92-20780) mais elle est néanmoins généralement prise en compte comme valeur de référence.
En pratique, il y a souvent un abattement de -20 % voir – 30 % par rapport à la valeur locative du bien (Civ. 1ère, 4 mai 1994, n°91-21.822).
La cour d’appel de Paris a pu le rappeler en jugeant que : « l’indemnité doit être fixée en fonction du revenu qui reviendrait à l’indivision en cas de location à loyer libre mais avec une réfaction de 20 à 30 % en raison de la précarité de l’occupation ». (Cour d’appel de Paris, 2e ch. B, 15 sept. 1995).
En gros, il faudrait considérer que vous serez redevable de la manière suivante :
En principe : (montant de la valeur locative du bien – 20 %/30% ) x par le nombre de mois de la jouissance privative
A savoir que vous avez le droit de vous mettre d’accord de manière amiable sur le montant onéreux de la jouissance privative, que ce soit un divorce amiable ou un divorce contentieux (divorce accepté, divorce pour altération définitive du lien conjugal, divorce pour faute).
C’est seulement en cas de désaccord sur le montant que le juge le fixera.
A savoir également que l’indemnité d’occupation n’est pas due en soit à l’autre époux mais est due en intégralité à l’indivision laquelle va répartir ensuite les droits de chacun et votre part sera déduite et celle de votre conjoint augmenté.
Pour de plus amples informations,
Veuillez prendre contact avec le cabinet, 06 12 90 73 03.
Maître Lise BELLET, Avocate à la Cour.
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